By Amalia Heide
January
Argentine: un pays brisé, divisé entre anti-Kirchneristes, anti-Macristes, anti-libéraux, anti-caste politique, anti-IMF... en général toujours anti. Un pays plongé dans une forte crise économique, politique et sociale.
Argentins : toujours insatisfaits du présent, toujours pessimistes quant à l'avenir.
Aucun homme politique, aucun événement historique, aucun ennemi commun, aucune lutte sociale, aucune célébration collective n'a réussi au cours des dernières décennies à unir ce peuple, plein de ressentiment et vide d'espoir. Même le conflit sur la souveraineté des Malouines entre l'Argentine et l'Angleterre ne fait pas l'unanimité ou ne suscite pas de passion profonde parmi les citoyens.
Mais en sept matches et en l'espace d'un mois, l'équipe nationale de football argentine semble avoir réalisé l'impossible. Je ne parle pas de la victoire de la Coupe du monde, mais de ses conséquences : plus de 5 millions de personnes sont sorties dans la rue pour fêter la victoire. Même les leaders politiques les plus charismatiques de l'histoire de l'Argentine n'ont pas réussi ce que l'équipe dirigée par Messi a réussi : imprégner l'âme de près de 46 millions d'Argentins de la fierté d'appartenir à la nation argentine. Pauvres, riches, hommes, femmes, citoyens de gauche, citoyens de droite célébrant et scandant en chœur le même slogan. Il a déjà été décrété que c'est la plus grande fête de l'histoire de l'Argentine. Et pour une fois, il n’y a pas un parti politique impliqué, il n'y a pas de principes idéologiques en jeu.
Désormais, puisque nous avons été témoins qu'en équipe, nous pouvons atteindre nos objectifs, pouvons-nous apporter ce nouveau sentiment d'unité dans l'arène politique ? J'ai des doutes à ce sujet. C'est précisément cette absence d'arrière-plan idéologique qui a permis cette union fraternelle. Le fossé politique est si profond dans notre pays que je doute fort que cela nous permette de réduire de manière durable nos conflits politiques internes, nos différences idéologiques, notre aversion mutuelle. Il est évident que le fait d'être champions du monde restera un point de référence commun, une source de joie et de réconfort, et pourra donc contribuer à désamorcer les tensions, mais de là à les éliminer, c'est une autre affaire.
D’autre part, on peut se demander si ces célébrations ne montrent que le meilleur côté du peuple argentin. Ces célébrations, qui en théorie semblent très poétiques, romantiques, libératrices, ont fini par révéler en pratique notre penchant presque morbide pour le débordement, la sauvagerie et la destruction. Personnes blessées et tuées en tombant de ponts, de monuments ou de biens publics. Au lendemain de la caravane de l'équipe nationale argentine, les alentours de l'obélisque, l'emblème de Buenos Aires, étaient pitoyables. Les feux de signalisation, les panneaux indiquant le nom des rues, les stations de bus... tous détruits. Avec quel budget tout sera-t-il réparé ? Sans parler des ordures dans les rues que d'autres devront ramasser.
Après tout, comme l'a dit un joueur de l'équipe nationale, ce n'est que du football. Mais espérons que le football permettra de réaliser le miracle d'une véritable unité. C'est mon seul souhait.