By Samy El Maloui
April
Le bruit du ballon en cuir qui roule sur le terrain synthétique. Les éclats de voix, pour exprimer la désapprobation face à un geste raté ou l’émerveillement suivant un dribble chaloupé. La sueur stigmate de l’engagement des joueurs sur le pré (ou le cardio aberrant de certains, mais c’est un autre sujet). Les premiers automatismes qui se forgent et les premières affinités qui se créent. Le temps était doux en cette soirée qui marque la fin du mois d’août et tout doucement celle de l’été. La semaine d’intégration, les rencontres entre 1A et 2A (voire 3A un peu trop accrochés à la perle de la french riviera), l’agitation estudiantine dans la cité mentonnaise, mais surtout, la reprise de la pratique du sport roi pour les lions des Alpes. La rareté du fait donne de la valeur à la chose. Après quasiment un an d’arrêt en raison d’une pandémie qui avait mis un terme dès octobre 2020 à la rencontre, à l’interaction, au contact, à la vie en somme. Mais enfin, c’était le moment. Nous étions fringants. Après deux mois de vacances où certains traînèrent leurs carcasses à Dubaï et d’autres en Franche-Comté (grand respect pour le Football Club de Sochaux Montbéliard nonobstant), les mines étaient pleinement revitalisées, les jambes fourmillantes à l’idée d’un objectif. Le seul, l’unique, celui qui prenait toute la place dans les esprits et surtout celui du néo-capitaine : le Minicrit.
Devenu un mythe pour certains, la compétition fétiche des campus de Sciences Po avait semblé avoir disparu pendant deux longues années estampillé COVID-19. Les joueurs étaient donc logiquement surmotivés à l’idée de se frotter aux dijonnais, havrais, nancéiens, parisiens, poitevins et autres rémois. Mais avant cette perspective excitante, il s’agissait de s’entraîner dur pour arriver prêt et ne pas être frauduleux à Nancy, ville d’accueil du Minicrit pour cette année. Ainsi s'enchaînèrent les séances, montrant le talent exacerbé de certains, destinés aux plus grandes carrières mais qui se retrouvaient sur ce terrain de foot à 5 miteux dans une ville peuplée en majorité de vieillards séniles. Les semaines passèrent, au gré du passage au temps automnal puis hivernal, l’obscurité de la nuit qui arrivait de plus en plus tôt, la présence de certains qui se faisaient de plus en rare, en corrélation avec le froid mordant qui avait remplacé la brise chaleureuse de l’été révolu. Le mois de novembre marquait un match contre l’école de commerce niçoise de l’IPAG dont vous connaissez sûrement l’épilogue : rappelons que ces cuistres de futurs dévots à la start-up nation ne méritaient sûrement pas de l’emporter mais sans rancune, nous avions un joueur de champ et accessoirement danseur émérite dans les buts. Mais alors que l’année battait son plein et que nous nous approchions tout doucement de la fin du premier semestre, un constat clair et net s’imposait dans les esprits. Pourquoi diable ne pourrait-on pas s’entraîner sur le non moins célèbre stade Lucien Rhein, celui-là même que El Pibe de Oro, Diego Maradona, avait foulé de ses pas en mai 1995 ? Notre capitaine, fort de ses talents de persuasion et négociation, se lançait alors dans ce qui serait un bras de fer avec celle-dont-on-ne-doit-pas-citer-le-nom, la terrible, l’infernale, la coriace… administration. Par respect pour ses membres qui ne sont pas tous à blâmer dans cette affaire, nous utiliserons uniquement ce terme plus général désignant l’institution à l’origine de tous nos atermoiements. S’enchainèrent un premier mail, deux mails, trois mails, quarante, deux-cent cinquante, trois-mille quarante… mais toujours pas de réponse satisfaisante et la lassitude commençait tout doucement à faire son lit.
L’administration ne semblait pas vouloir répondre à nos revendications légitimes, celles de perpétuer l’héritage pré-Covid de nos prédécesseurs qui s'entraînaient lors des matinées du cinquième jour de la semaine. Le créneau était même en temps normal entièrement alloué à cet effet alors que nous avions, pour notre part, l’obligation d’assister à des cours plus ou moins monotones. Alors que l’espoir semblait mort et enterré, et que le rêve de se mouvoir sur le terrain synthétique du plus beau stade de la ville s’éloignait de plus en plus, le deuxième semestre avait apporté son lot de miracles. Malheureusement, M. Amouri n'était pas toujours pas venu nous gratifier de ses talents intergénérationnels sur le terrain mais nous avions enfin eu des échos positifs et obtenu un créneau après tous ces efforts. Nous allions enfin pouvoir avoir accès à ce qui semblait être l’impossible, avec un entraîneur spécialement réquisitionné pour nous afin de nous préparer dans les meilleures conditions pour le Minicrit. Après de nombreux aléas et imprévus, qui ne l’étaient parfois pas vraiment, nous nous retrouvions dans une position difficile avec de nombreux absents avant cette compétition. Mais qu’à cela tienne ! Nous étions motivés, ragaillardis, prêts à croiser le fer avec des Dijonnais inconnus, des Poitevins forts de leur préparation digne d’une équipe professionnelle avec de (très) nombreux matchs de préparations (en même temps, que peut-on faire de mieux à Poitiers…) et des Havrais que nous étions prêts à rétamer, pour leur montrer que la mer Méditerranée sera toujours meilleure que la Manche. Face à toutes les difficultés que nous avions pu rencontrer cette année spéciale, nous avions toujours cette fougue au fond de nous, celle du feu sacré. Le désir d’aller contre tous les pronostics, de rendre fier tout un campus, de montrer que le cholismo n’est pas mort, en bref ; montrer aux yeux du monde (ou au moins quelques centaines de sciencepistes) que oui, Menton n’est pas mort, Menton ne baissera pas la tête, Menton va rivaliser et bien plus que cela, que nous n’avons jamais été aussi forts qu’aujourd’hui, plus qu’hier et moins que demain.
« Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. » Pierre de Coubertin