By Calista Cellerier
April
“Les valeurs de la masculinité sont reniées par les féministes”, déclare un groupe d’hommes se définissant comme “masculinistes” à la journaliste Mélanie Gourarier dans un article paru dans Le Monde en 2017. Vous avez sûrement déjà entendu sur les réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok des discours similaires, clamant que la place des hommes dans la société est menacée par le mouvement féministe, considéré comme une forme de militantisme extrémiste. Depuis plusieurs années, ce discours monte en flèche partout dans le monde, et beaucoup s'inquiètent d’un retour en arrière pour l'égalité des genres.
Alors, qu’est-ce que le mouvement masculiniste ? Il s'agit d'une idéologie, un mouvement social souvent vu comme réactionnaire et antiféministe. Parmi ses valeurs figurent la masculinité “conventionnelle”, la réaffirmation et la promotion des différences hommes-femmes, la défense des privilèges masculins et enfin la lutte contre les féministes.
Il s’agit avant tout d’affirmer les “droits des hommes” sur certains points, tels que des positions favorables quant au divorce, les différences de rôle plus traditionnels entre hommes et femmes et même la demande d’un système de codécision en matière d’avortement. Un autre terme est aussi utilisé, celui “d’hoministe”, par des défenseurs masculinistes trouvant ce terme trop dépréciatif. Il y a de nombreux différents groupes plus ou moins nuancés s’identifiant à ce mouvement. Les moins extrême, tels que SOS Papa, SOS misandrie en France ou dans les pays anglo-saxons le groupe Father 4 justice déclarent qu’une nouvelle société matriarcale s’installe au détriment des hommes, et s’engagent pour les hommes victimes de violence sexuelle et les intérêts des hommes lors des divorces. Ils s'intéressent notamment à la fin des obligations matérielles telles que la pension alimentaire ou le partage des biens. En 2009, un ex-membre de l’association SOS Papa, aidé par 4 autres membres, a écopé de 6 ans de prison pour avoir kidnappé son enfant et tenté d’assassiner la mère. Plongeant plus profondément dans l'extrême, la communauté incels (ou hommes célibataires involontairement) dénonce les femmes comme responsables de leur célibat et de leur frustration sexuelle. Urban Dictionary définie les hommes incels comme : « persuadés que les femmes doivent leur offrir du sexe ». La communauté est présente surtout sur Reddit et 4Chan, et certains internautes peuvent aller jusqu’a demander un “droit de viol” ou l’appel au meurtre. Notamment, la tuerie de Toronto en 2018 avait été commise par un jeune homme membre de la communauté incels déclarant détester les femmes pour leur rejet de ses avances, menant à la mort de 8 femmes et 2 hommes. De nombreux autres groupes, tels que les MGTOW ou les Hommen, font la promotion de la prostitution, de la fin du mariage en faveur des relations à court terme, déclarant les femmes comme des fardeaux financiers, ou s’opposent au mariage homosexuel.
Comme mentionné, ce mouvement s’exprime surtout à travers les réseaux sociaux, des associations et des forums de discussion dans des groupes appelés la “manosphère”. Vous les avez sûrement déjà vu, ces hommes se déclarant comme virils, comme hommes “alphas” promouvant une perspective conservatrice et traditionnelle du rôle des femmes et des hommes, allant à l'encontre du mouvement féministe. Nombre d’entre eux parviennent à influencer des millions de jeunes garçons et jeunes hommes sur Internet. En 2023, 37% des hommes en France considèrent que le mouvement féministe est une menace à leur place dans la société, selon le journal La Croix. A l’international, et sur TikTok surtout, des personnalités masculinistes, ou “alpha male” tels que Andrew Tate ou les membres du podcast Red Pills, sont en vogue, déclarant être en dehors du système, en dehors de la “Matrix” et pouvoir aider les autres hommes et garçons à séduire et retrouver leur place en tant qu’hommes dominants (et riches).
Et cette tendance à renier les valeurs modernes de l’égalité homme-femme ne se limite pas aux hommes. Leur alter-ego féminins sont aussi en hausse, notamment sur TikTok pour promouvoir un style de vie “traditionnel”, déclarant que le mouvement féministe aujourd’hui ne sert plus à rien et qu’il faut retourner aux valeurs basées sur les rôles “biologiques” des femmes, sur la famille de l’homme comme gagne-pain et des femmes comme simples compagnes. Nous pouvons citer à l’international l’internaute sous le pseudonyme de Pearl ou en France Thais D’Escufon, clamant que les femmes sont manipulées par la société pour rejeter les hommes et se ralliant au mouvement masculiniste et incel.
De nombreux membres de ces mouvements proposent d’ailleurs des formations en ligne, payantes, pour devenir des hommes et des femmes de “qualité” et sortir de la “matrix” pour contrôler le système sociétaire et leur futur.
Dans le journal Le Monde, une journaliste explique que ce mouvement est en propagation dans le monde, et mène au renforcement des normes patriarcales. En effet, elle explique que plusieurs membres de ce mouvement déclare des “excès” de féminisme, se sentent rabaissés par le terme “porc” dans le #balancetonporc. Le mouvement masculiniste serait menacé par les mouvement tels que #MeToo, comme le clament haut et fort ces slogans “Not all men !”.
Alors, il semble évident que de nombreux experts s’interrogent quant aux implications de la montée en flèche d’un tel mode de pensée. Nombreux sont ceux qui craignent pour le futur des femmes en société, allant jusqu'à considérer le masculinisme comme un mouvement terroriste. Si il est encore trop tôt pour étudier les effets de ce mouvement sur le féminisme et le combat pour l'égalité, beaucoup commencent à s’engager sur Internet pour adresser cette pensée montante, notamment en tentant d’éduquer de manière plus nuancée sur ce que signifie être un homme ou une femme. Par exemple, le compte Instagram Tu Bandes, tenu par un homme de 26 ans, prend en main la “masculinité bienveillante”, ou une perspective du monde visant à intégrer les hommes de manière saine et égalitaire dans les discussions, tout en éduquant sur la sexualité, le consentement et les stéréotypes.
Si la liberté d’expression est un principe clé au 21eme siècle, l’incitation à la haine et la violence ne doit pas être tolérée. Ainsi , il est toujours bon de rappeler que le féminisme n’est pas la supériorité de la femme sur l’homme, mais bien l’égalité des genres dans notre société, et que les mouvements extrémistes peuvent et doivent être combattu avec bienveillance, éducation et discussions !